Aller au contenu

Journal de réparation d’un RLC mètre HP4192A

Parmi les premiers équipements confiés au Repair’Lab se trouve un analyseur d’impédance HP4192A. Datant du début des années 80, il a été développé et fabriqué au Japon par la filiale Yokogawa-Hewlett Packard. Cet appareil est conçu pour mesurer les propriétés de résistance, de capacitance et d’inductance de divers composants ou matériaux. Malgré son obsolescence sur plusieurs aspects, ce modèle conserve de nombreux avantages. Il offre notamment la possibilité de faire varier la fréquence de test entre 5 Hz et 13 MHz, ainsi que la tension de polarisation entre ±40 Volts de manière continue. Cette caractéristique permet d’effectuer des balayages pour créer des courbes d’impédance en fonction de la fréquence ou de la tension de polarisation.

Après plus de 40 ans de service dévoué au sein de la section de Physique de l’UNIGE, l’appareil a connu une panne et a été relégué sur une étagère avec la mention “ Power supply out of order, irréparable! ”. Cela a suscité un vif intérêt au sein de l’équipe du Repair’Lab, qui a pris cette inscription comme un défi et s’est engagée dans une recherche approfondie pour identifier la cause de la panne.

Mise en garde

● La tension secteur est dangereuse !
○ Risque de choc électrique potentiellement mortels.
○ Risque d’incendie.
○ Risque d’explosion.
● Les condensateurs peuvent rester chargés à une tension dangereuse même après avoir été déconnectés de l’alimentation.
● NE PAS ouvrir, réparer, modifier ou construire d’appareils électriques sauf si vous êtes qualifié(e) pour le faire.
● Vous assumez tous les risques et responsabilités en entreprenant toute action décrite dans cet article.

Première inspection

Lorsqu’un dysfonctionnement de l’alimentation est suspecté, il est fortement recommandé d’effectuer une vérification préalable de l’appareil avant de le brancher sur le secteur. Cette démarche vise à évaluer son état et à prévenir toute détérioration potentielle. Certains signes de dysfonctionnement peuvent être détectés visuellement, tels que des condensateurs défectueux, des fusibles ou des résistances grillés, etc. Toutefois, il est également possible qu’une tentative de réparation antérieure ait laissé l’appareil dans un état dangereux, avec des câbles déconnectés ou des composants de cartes non remontés, par exemple.

Il devient rapidement évident que la carte d’alimentation principale comporte une paire de batteries Nickel-Cadmium qui ont fui, entraînant la corrosion des composants et des pistes environnantes. Cela confirme que la décision de ne pas brancher immédiatement l’appareil était judicieuse.

Les batteries sont utilisées uniquement pour alimenter une mémoire lorsque l’appareil est éteint, elles ne sont pas essentielles au fonctionnement de l’appareil. Elles peuvent donc être retirées, et il sera possible de trouver une solution de remplacement une fois que l’appareil sera opérationnel. Une inspection plus approfondie révèle un fusible qui a sauté et un condensateur de sécurité présentant un aspect très suspect. Il est rare (mais pas impossible) qu’un fusible saute sans raison. Il est donc nécessaire d’inspecter les environs, et idéalement, de chercher à comprendre quelle panne a pu entraîner la surintensité responsable de la défaillance du fusible.

Recherche de documentation

Une des raisons qui font des appareils HP de cette époque des objets précieux est la qualité de leur documentation. Ils sont les témoins d’une époque où il était considéré normal de réparer un appareil en panne et cela se répercute sur la conception et la documentation: Il est aujourd’hui toujours possible de télécharger le manuel de service de 450 pages sur le site de HP. Il contient une explication détaillée du fonctionnement de l’appareil, la liste des pièces et l’intégralité des schémas. Petit bémol: la qualité de la numérisation ne permet pas de lire les détails de certains schémas. Qu’à cela ne tienne, c’est suffisant pour comprendre le principe de fonctionnement de l’alimentation et essayer de comprendre quels composants doivent être testés.

Réparation de l’alimentation

Le schéma ci-dessous représente une section de la carte incriminée, qui s’avère être une alimentation à découpage. Le principe général est le suivant : la tension secteur de 230V entre dans le circuit par la gauche (J1) et est redressée par le pont de diodes CR1. Une série de condensateurs et un filtre en pi permettent ensuite de produire une tension continue d’environ 320V. Cette tension est ensuite hachée par les deux transistors de puissance Q6 et Q7 et est appliquée au transformateur T1, qui génère plusieurs tensions plus basses alimentant le reste de l’appareil. La partie de contrôle des transistors de puissance, responsable de la régulation de la tension, ainsi que la partie secondaire (basse tension), ne sont pas reproduites ici. Cependant, comme les composants suspects sont confinés à cette zone, nous disposons déjà d’informations suffisantes pour déterminer quels composants tester.

Le fusible F3 ayant sauté, tous les composants en aval sont potentiellement suspects. Sans surprise, le condensateur à l’allure douteuse est C16, en parallèle du fusible. Après quelques tests, il apparaît que les 4 condensateurs de lissage C26 à C29 sont défectueux, leur électrolyte ayant probablement séché avec le temps et la chaleur. Ces condensateurs devront être remplacés, mais étant donné qu’ils ne sont pas en court-circuit, la surintensité ayant fait sauter le fusible n’est toujours pas expliquée.

Après des tests supplémentaires, il s’avère que les deux transistors de puissance Q6 et Q7 sont en court-circuit ! Nous avons identifié les responsables de la défaillance.

Les condensateurs et le fusible peuvent être commandés sans problème, mais les transistors sont obsolètes et il n’est pas facile de trouver des équivalents avec les mêmes spécifications dans le même type de boîtier. Heureusement, il est possible de commander les mêmes transistors sur Ebay. Il est toujours un peu risqué de commander des composants par des canaux non-officiels, étant donné que la contrefaçon de composants est un problème réel. Cependant, il semble que nous ayons eu de la chance dans ce cas.

Les composants défectueux sont retirés de la carte, qui est ensuite soigneusement nettoyée avant de procéder au remontage des nouveaux composants.

La partie corrodée par les batteries est également nettoyée. Tout d’abord, on utilise du vinaigre de ménage pour neutraliser le liquide alcalin, suivi d’un nettoyage avec de l’alcool isopropylique et de l’eau distillée.

Pour terminer, les contacts corrodés sont également remplacés:

Premier test

La carte est désormais prête et réinstallée dans l’appareil. Il est temps d’alimenter l’appareil pour la première fois !

Le résultat n’est pas concluant: aucun signe de vie. Bien que cela puisse être décourageant, le fait que le fusible ne saute pas et qu’aucune explosion ne se produise est déjà un soulagement !

En mesurant les tensions, on constate que l’alimentation fonctionne correctement. Le 5V est notamment présent dans la partie secondaire de l’alimentation. Alors, pourquoi l’appareil ne démarre-t-il pas ?

En suivant les tensions au voltmètre, il s’avère qu’une piste est coupée précisément sous le connecteur qui était corrodé, et le 5V n’est pas acheminé à la carte équipée du microprocesseur, le cerveau principal de l’appareil. Après un rapide soudage d’un fil pour remplacer la piste défectueuse, une deuxième tentative d’alimentation est effectuée, mais toujours sans résultat !

Nous portons donc notre attention vers la carte logique pour vérifier son alimentation et la présence d’une horloge.

Malheureusement, l’alimentation n’arrive toujours pas sur cette carte ! Et sans grande surprise, le problème persiste : la corrosion est remontée par capillarité dans le câble, et les contacts à l’autre extrémité du câble sont également corrodés.

Enfin des signes de vie, et erreur 61

Après avoir remplacé les contacts de ce côté, l’appareil démarre enfin !

Victoire ! Cependant, elle n’est pas complète : l’auto-test, qui permet de vérifier le bon fonctionnement de l’appareil, signale une erreur 61.

Le manuel de service nous informe qu’il s’agit d’un problème de saturation du convertisseur analogique-numérique multi-pente. Cela peut être potentiellement problématique, car il y a une probabilité plus élevée de rencontrer un composant défectueux difficilement remplaçable. Le manuel de service précise que les cartes A2 et A6 sont les causes probables de ce problème.

Il fournit également une procédure détaillée permettant de vérifier pas à pas le bon fonctionnement de la carte et les valeurs ou formes d’onde attendues à chaque point de test.

Assez rapidement, nous constatons qu’une des formes d’onde observée à l’oscilloscope n’est pas exactement similaire à celle attendue. La procédure recommandée consiste à vérifier CR4, ainsi que U4B et U4C dans ce cas.

Notre attention se porte initialement sur CR4, un ensemble de 6 diodes dans un boîtier TO-12 assez atypique. Les premières mesures sur le circuit semblent indiquer des comportements suspects. Après dessoudage et inspection minutieuse, il s’avère que tout est normal et correspond à la fiche technique du composant. Nous passons ensuite à l’inspection de U4, un quadruple comparateur LM339N, et effectivement, un test sur une platine d’essais confirme qu’un des comparateurs ne se comporte pas correctement : l’une des entrées n’est pas fonctionnelle.

Un composant de remplacement est commandé, et après quelques jours de suspense, l’erreur est effectivement résolue suite au remplacement du composant !

Quelques tests sommaires permettent de confirmer que l’appareil est réparé! Une calibration, des tests plus poussés, ainsi que le remplacement des batteries seront nécessaires pour garantir le bon fonctionnement de l’appareil. Cependant, il est déjà très gratifiant de pouvoir effacer la mention “irréparable” inscrite sur l’appareil !

Sans la documentation et les procédures de réparation fournies par le manuel de service, il nous aurait été virtuellement impossible de réparer un appareil de cette complexité.

Note : après avoir réparé l’appareil, nous avons finalement trouvé un site qui vend une version scannée du manuel de service d’excellente qualité : https://artekmanuals.com/. Cela sera utile en cas de panne future !

1 commentaire pour “Journal de réparation d’un RLC mètre HP4192A”

  1. Bonjour,

    Bravo et excellent vos travaux et votre journal de ce magnifique projet pour la récupération, réparation, sauvegarde et tests du HP4292A. Vous lui avez donné une nouvelle vie qui, on ne se sait jamais…, peut de nouveau être utiliser pour faire des analyses sur des impédances dans des expériences scientifiques de grandes qualités.

    Bonne continuation et à bientôt.

    Eberhard Christian

    N.B. En passant, votre journal explicité et détaillé donne énormément des infos pour l’apprentissage de l’électronique analogique qui à mon avis n’a encore des bons avenir devant elle sans dévaloriser l’électronique numérique…

Répondre à Eberhard Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *